L'envahissement par les jouets

se fit avec suite et sûreté

On multiplie les arrivages au magasin de Ker Chalon, les jouets nous envahissent. Ce week-end, les puzzles de 3 à 1000 pièces fabriqués en Espagne par Londji. On a pris tout le catalogue tellement c'est beau. Des classiques (la vague d'Hokusai, la Joconde, Klimt, Van Gogh) aux inventions modernes de Londji. Les plus étranges : la boite Lapin qu'on attrape par les oreilles et la boite train avec ses roues en bois.

Comme on a du mal à résister on a aussi pris leurs jeux de société. Tantôt éducatifs, tantôt coopératifs ou stratégiques, mais toujours aussi beaux et originaux. Et toujours fabriqués dans leurs ateliers de Barcelone.

Si le titre de ce billet vous intrigue, lisez donc ce petit poème plein d'humour d'Henri Michaux et vous comprendrez d'où est venue l'inspiration.

Henri Michaux «Intervention» dans La nuit remue, 1935

Autrefois, j’avais trop le respect de la nature. Je me mettais devant les choses et les paysages et je les laissais faire.

Fini, maintenant j’interviendrai.

J’étais donc à Honfleur et je m’y ennuyais. Alors résolument j’y mis du chameau. Cela ne paraît pas fort indiqué. N’importe, c’était mon idée. D’ailleurs, je la mis à exécution avec la plus grande prudence. Je les introduisis d’abord les jours de grande affluence, le samedi sur la place du Marché. L’encombrement devint indescriptible et les touristes disaient : «  Ah ! ce que ça pue ! Sont-ils sales les gens d’ici ! » L’odeur gagna le port et se mit à terrasser celle de la crevette. On sortait de la foule plein de poussières et de poils d’on ne savait quoi. Et, la nuit, il fallait entendre les coups de pattes des chameaux quand ils essayaient de franchir les écluses, gong ! gong ! sur le métal et les madriers !

L’envahissement par les chameaux se fit avec suite et sûreté.

On commençait à voir les Honfleurais loucher à chaque instant avec ce regard soupçonneux si spécial aux chameliers, quand ils inspectent leur caravane pour voir si rien ne manque et si on peut continuer à faire route ; mais je dus quitter Honfleur le quatrième jour.

J’avais lancé également un train de voyageurs. Il partait à toute allure de la Grand’Place, et résolument s’avançait sur la mer sans s’inquiéter de la lourdeur du matériel ; il filait en avant, sauvé par la foi.

Dommage que j’aie dû m’en aller, mais je doute fort que le calme renaisse tout de suite en cette petite ville de pêcheurs de crevettes et de moules.

Un autre poème ?

partagez nos conseils